Patrick Louis : "L’UE prend sa revanche sur l’Olympe"

Publié le par Michel

 

Patrick Louis : "L’UE prend sa revanche sur l’Olympe"

Dans la mythologie Grecque, Zeus, le dieu des dieux, approcha, métamorphosé en magnifique taureau blanc, la belle fille du roi de Tyr : Europe. L’animal séduisit la jeune fille, l’emmena sur l’île de Crète, reprit son apparence originale et « honora » à sa manière la princesse.

Ces évènements sont certes fictifs, mais en tous cas, la revanche d’Europe sur le pays de l’Olympe est bien réelle. La crise économique que traverse la Grèce ces derniers jours remet directement en question les fondements de l’Union Européenne et de sa politique de monnaie unique chère.

Comme nous l’apprend l’économiste et prix Nobel Robert Mundell, une monnaie unique n’a d’efficacité que si elle est utilisée dans une zone monétaire optimale, c'est à dire dans des espaces  rassemblant des pays ayant des productivités équivalentes. Différences de productivités bien réelles  dans des pays n'ayant pas les mêmes budgets  de Recherche et développement et mêmes niveaux d'investissements productifs.

Les euros béats qui affirment que la construction européenne est basée sur les terribles leçons de l’histoire, pourront toujours rétorquer que cela reste de la théorie ; mais nous les invitons justement à se repencher sur l’histoire économique contemporaine. Celle-ci, à travers deux évènements nous confirment la fiabilité de la théorie élaborée par Robert Mundell, je veux parler ici de la crise argentine et de la réunification de l’Allemagne. La crise argentine a été provoquée par l’alignement du peso sur le dollar américain. Cet alignement monétaire formait une sorte de monnaie unique qui à  mené l’Argentine vers une crise sans précédent. Un scénario analogue s'est présenté lorsqu'une seule monnaie figea la réunification des deux Allemagnes. Les souffrances furent moins visibles car ce fut l'ex-RFA qui, à grand frais et grâce à son économie dynamique, dû reconstruire l’économie de moindre productivité de l'ex-RFA. . Cette douloureuse expérience expliquerait peut-être les réticences de l’opinion publique Allemande à « payer » pour la Grèce: pays ami mais pas pays frère!

Après les errances "progressistes" du gouvernent Etatiste et socialiste grec, la monnaie unique et la construction européenne ont leurs parts de responsabilité dans la crise du pays du Péloponnèse.

En favorisant la politique, toute germanique de l'Euro fort, la Banque Centrale Européenne, a condamné la Grèce, pays structurellement inflationniste, à souffrir du double handicap. Handicap externe d'une monnaie forte favorisant les importations et pénalisant les exportations. Handicap interne d'une monnaie malade de la hausse des prix et qui ne peut être corrigée par une dévaluation. La dévaluation est toujours la sanction d'une économie mal gérée mais elle est aussi le remède à une économie inflationniste. A ce train, la Grèce va bientôt importer ses tomates et son huile de Tunisie ou du Maroc...

Si la supranationalité participe aux causes du malheur de la Grèce, elle participera aussi à l'absence de vraies solutions qui passent  par l'acceptation par le peuple des remèdes. Présumer cette acceptation, c'est admettre que le pouvoir est légitime, et c'est là que le bas blesse! Quelle est  la légitimité des donneurs d'ordres, la légitimité du Fond Monétaire International et de la technocratie européenne? La réponse est claire: quasiment aucune.

Le  peuple grec, dont le pouvoir d’achat va baisser de 30%, et à qui des institutions qu’ils n’ont même pas choisies exigent de lui des sacrifices que seul le chef de l’Etat, fort de son assise démocratique, peut légitimement demander. C’est là le résultat de toute la philosophie de la construction européenne : se substituer aux Etats-nations, favoriser l'éloignement entre les peuples et leurs élites: nier les valeurs de la proximité et du réel.

Le choix qui s’impose à la Grèce et à l’UE est simple : soit la Grèce quitte la zone euro et dévalue sa nouvelle monnaie nationale, pour relancer sa productivité, mais augmente considérablement le coût et le poids de sa dette qui est, elle, reste évaluée en euro. Soit l’UE et le FMI paient pour la Grèce, mais le problème de l'adaptabilité de la norme de production grecque aux standards Allemands et de l'Euro fort reste en l'état. Subsiste cette question lancinante: comment regagner un niveau de productivité suffisant et rapidement pour mériter une telle monnaie? Il semble fort probable que le gain de productivité ne se fasse par une augmentation des quantités produites dans une même unité de temps mais bel et bien par une diminution brutale du coût du travail et donc du pouvoir d'achat des Grecs, semble être la dure sanction des errances passées. La crise sociale et politique risque de se rajouter aux questions économiques.

Enfin, la contagion de cette crise est probable et relative, puisque les mêmes causes engendrent les mêmes effets.  La conclusion devient claire et valable pour toute l’UE, la construction européenne et notamment la monnaie unique sont fragiles dans leurs fondements politiques et économiques. Permettez-moi une métaphore qui me semble tout dire : l’Union Européenne à été conçue comme un bateau pour naviguer sur les lacs, aujourd'hui nous nous trouvons en pleine mer et l'eau passe par dessus le bastingage! Qui a dit que bien gouverner c'est prévoir! Le réel prend sa revanche sur l'UE.

Publié dans Europe

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