ABSTENTION

Publié le par Michel


Les élections européennes riment souvent avec abstention. 41% de votants seulement en 2009, et cette année encore, de nouveaux records pourraient bien être battus.
On le sait, la tentation est forte chez certains de manifester leur mécontentement, leur ras-le-bol ou leur opposition à l'Europe en s'abstenant d'aller voter.

Si cette attitude peut se comprendre pour différentes raisons, elle n'est pas à notre sens la plus efficace, en premier lieu parce qu'elle répond à une attente très forte d'un Système qui pousse à l'abstention record.

Revenons d'abord sur les raisons qui justifient souvent la tentation de l'abstention : * Pour la plupart de ceux qui envisagent cette attitude le 25 Mai prochain, la motivation principale tient à la lassitude de toujours voter pour rien.
Depuis 25 ans, les gouvernements de gauche comme de droite se succèdent, sans que rien jamais n'évolue dans le bon sens. Les politiques menées ne varient qu'à la marge, et la situation du pays continue de se dégrader.
Le sentiment d'un vote inutile a été de surcroît considérablement renforcé par l'épisode de la Constitution européenne, le gouvernement et le parlement s'étant permis de revenir, via le Traité de Lisbonne, sur le vote souverain des Français exprimé par référendum le 29 mai 2005.
Cette trahison antidémocratique n'a pas fini de produire ses effets dévastateurs. Elle a créé un précédent, qui chaque jour distille son poison et mine un peu plus le pacte démocratique passé entre le peuple et ses représentants ;

* Outre ce ras-le-bol, beaucoup d'abstentionnistes critiques vis-à-vis de Bruxelles font un raisonnement assez simple, mais somme toute compréhensible, qui consiste à dire qu'on ne participe pas à une élection organisée pour permettre le fonctionnement d'une structure qu'on combat, l'Union européenne ;

* Les puristes affirment même, avec raison, que le parlement européen n'a pas de raison d'être, dans la mesure où il n'y a pas de peuple européen. L'absence de peuple, de demos européen, ne permet pas l'émergence d'une démocratie européenne, et a fortiori d'un parlement. Il n'y a en Europe qu'une addition de peuples nationaux, et donc de démocraties nationales.
D'ailleurs, avant sa première élection au suffrage universel en 1979, le parlement européen respectait ces principes de bon sens en n'étant que l'addition de délégations nationales issues des parlements des pays membres.

Il ne s'agit pas d'écarter ces motivations d'un revers de la main.
Tous ceux qui n'ont pas renoncé face au Système, et ils sont heureusement nombreux, doivent cependant avoir à l'esprit que l'abstention ne sera jamais un moyen efficace de changer réellement l'Europe et de se débarrasser de l'Europe de Bruxelles. 

Et ce pour plusieurs raisons :

* La première d'entre elle est peut-être la plus importante.
Elle tient au fait que l'abstention aux élections européennes, qui touche majoritairement les catégories de la population les plus défavorisées, c'est à dire celles qui souffrent le plus des conséquences des politiques euro-libérales, est voulue, incitée, et organisée par les partis en place.

Comme nous l'avons récemment souligné, le PS et l'UMP ont intérêt à l'abstention la plus forte possible. Ayons bien en tête que le Système s'est déjà très bien accommodé d'une abstention massive aux dernières élections européennes, et qu'il pourrait sans aucun souci s'accommoder d'une abstention encore plus forte, même égale à 90%. Passé un quart d'heure de pleurnicheries après l'annonce des résultats sur les plateaux de télévision, tout le monde s'empresse traditionnellement d'oublier le chiffre de l'abstention, et seuls les résultats sortis des urnes demeurent. Ne croyons pas que cela changera demain.
S'abstenir n'est donc en rien subversif. C'est au contraire faire le jeu du Système en croyant de bonne foi lui faire du tort ;

* A cela s'ajoute le mode de scrutin des élections européennes.
Même si la réforme de 2004 a amoindri les effets de la proportionnelle, en régionalisant des circonscriptions et en relevant de fait le seuil d'élection des députés, il demeure que les parlementaires européens sont élus proportionnellement au poids des listes en présence. Contrairement aux élections législatives françaises, il est donc relativement aisé d'envoyer des élus dissidents au parlement européen ;

* Ensuite, il ne faut pas oublier que ces élections ne concernent pas que la France, mais l'ensemble des Etats membres de l'UE. Or, dans nombre de pays, la tendance est nettement à la montée des mouvements d'opposition à l'Europe de Bruxelles.
Qu'il s'agisse du Royaume-Uni, de la Belgique, de l'Allemagne, de la Scandinavie ou de plusieurs pays de l'Est, on assistera probablement le 25 Mai  prochain à l'élection du parlement européen le moins européiste de son histoire. Le vote dissident en France contribuerait donc à renforcer une dynamique à l'oeuvre sur tout le continent.
Plus de dissidents au parlement, c'est une Europe qui avance moins vite, moins facilement, c'est une meilleure information sur ce qui se trame dans les couloirs de Bruxelles, c'est une plus grande possibilité de faire entendre un autre discours ;

* Enfin, revenons toujours à des principes démocratiques assez sains lorsqu'on hésite.
Si on n'approuve pas la manière dont se "construit" l'Europe depuis des années, il faut tout simplement voter pour les mouvements politiques qui sont de cet avis, et l'offre en la matière existe.
Qu'on le veuille ou non, s'abstenir c'est toujours donner sa voix au camp d'en face, en l'occurrence l'UMPS-Modem pour ceux qui n'acceptent pas ce qu'incarne Bruxelles, cette Europe de la désespérance, cette Europe arrogante, antidémocratique et ultralibérale.


Il est essentiel de percevoir clairement que le vrai débat des européennes se jouera entre les partis du statu quo, ceux qui votent tous les Traités et toutes les directives depuis des années (vous les aurez reconnus...), et les partis du changement, de la rupture, la vraie.
Chacun ensuite doit faire son choix en conscience, en conservant sa pleine liberté et sa capacité d'analyse, loin des injonctions du politiquement correct et du prêt à penser médiatique.

Publié dans Europe

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