“Vaincre ou mourir” au cinéma : Charette, le Braveheart français

Publié le par Michel

Le martyr vendéen est le héros de Vaincre ou Mourir, le premier film produit par le Puy du Fou, en salles le 25 janvier. Récit d'une épopée.
“Si tu ne viens pas au Puy du Fou, le Puy du Fou ira à toi”

À l’été 2021, le Puy du Fou lance sa filière film ; dans la foulée, le personnage de Charette s’impose. Il y a quarante-cinq ans, Philippe de Villiers a voulu « offrir une sépulture aux Vendéens » : une Cinéscénie, un parc, le spectacle le Dernier Panache, consacré au héros du bocage, et le Roman de Charette auront permis de sortir de l’oubli l’histoire de ces 200 000 Français massacrés pendant la Terreur. La matière existe, les compétences aussi, et Charette est le personnage du spectacle préféré des visiteurs ; Nicolas de Villiers n’hésite pas une seconde : « Pour apprivoiser cet art du cinéma que nous découvrons, il nous fallait un personnage bien connu, nous avions évidemment la légitimité à nous emparer de ce thème jamais traité. »

Cascadeurs et figurants sont vendéens, descendants de ces Blancs qui ont tenu tête à la jeune République.

Il réussit à convaincre Canal Plus, qui signe pour deux docufictions de cinquante-deux minutes. Deux réalisateurs sont trouvés, Paul Mignot et Vincent Mottez, reste à convaincre les acteurs. Le premier sera le bon : c’est Hugo Becker (Baron noir,  Au service de la France…). L’acteur ne connaît ni Charette, ni les guerres de Vendée, ni même le Puy du Fou. Mais il décèle « l’enthousiasme et la passion » des réalisateurs et de la production. Il découvre l’histoire et le tour est joué : « J’ai été très touché par le courage de cet homme. » C’est acquis, d’autant qu’Hugo Becker est ravi de faire toutes ses cascades !

Quelques semaines avant le début du tournage, le casting est réuni. Le producteur exécutif du Puy du Fou Films, Guillaume Allaire, se souvient d’une lecture artistique particulièrement marquante. Les acteurs découvrent le texte, répètent, interrogent l’interprétation. Et ne cessent de s’étonner : « Ça s’est vraiment passé comme ça ? » Le drame les a touchés, mais le sursaut vendéen encore plus. La découverte se parfait avec la rencontre des Puyfolais. Cascadeurs et figurants sont vendéens, descendants de ces Blancs qui ont tenu tête à la jeune République. Eux connais sent par cœur cette histoire qu’ils racontent depuis des décennies, ceux qui vont l’incarner la découvrent. Les échanges sont nombreux, l’amitié s’impose. « Le budget était humble mais les moyens du parc conséquents, et puis c’est surtout une histoire de passion et d’engagement, j’ai immédiatement su que le film serait hors du commun », s’enthousiasme Hugo Becker.

Histoire des guerres de Vendée

“Aider à réhabiliter la mémoire de gens massacrés”

Trois millions et demi d’euros et dix-huit jours de tournage. Le pari est complètement fou, mais il est relevé. L’histoire devient d’autant plus émouvante qu’elle est tournée aux endroits mêmes qu’ont foulés ces milliers de Vendéens. Les premiers rushs arrivent entre les mains de la direction générale de Canal Plus, les professionnels sont convaincus : il faut passer du docufiction au cinéma, du petit au grand écran. Le film est un ovni, entre documentaire et fiction, sur terre et dans la tête de Charette. Le personnage est méconnu, le film atypique, le résultat convaincant. « C’est inédit et inclassable, comme le Puy du Fou l’a toujours été », résume Guillaume Allaire.

S’il doit garder un souvenir de ce tournage, Hugo Becker choisit l’esprit d’entraide qui a animé le bocage vendéen pendant ces trois semaines. Francis Renaud, qui incarne le paysan vendéen Jacques Maupillier, approuve. Mais un autre souvenir s’impose à lui : « Le dernier jour, j’ai emprunté un petit chemin pour aller voir la Croix de Charette, le lieu de son arrestation. L’émotion était immense. C’est incroyable d’incarner des gens qui ont existé, de comprendre leurs combats, leurs vies. On a tout simplement aidé à réhabiliter la mémoire de gens massacrés, c’est magnifique. » Depuis, il ne quitte plus le cœur vendéen que portaient les insurgés. En rentrant chez lui, après le tournage, il a fondu en larmes : « J’ai réfléchi à ce que j’étais, à l’héritage que j’ai complètement oublié, à ces personnes dont j’ignorais même l’existence. Ce tournage a chamboulé ma vie, on ne ressort pas indemne. Je suis tellement fier d’avoir fait ce film. » Nicolas de Villiers tient dans ce témoignage sa récompense, lui qui espère continuer à « faire résonner la dimension héroïque universelle qui se cache dans l’histoire de France ».

Quelques mois plus tard, la promotion commence. Le Puy du Fou ne veut pas attendre la sortie en salles pour créer l’événement : les avant-premières doivent marquer les esprits. Le 8 décembre, le film est donc proposé dans 2500 salles en France. C’est un succès : les 25 000 entrées propulsent Vaincre ou Mourir en tête du box-office du jour.

L’histoire des Vendéens massacrés, la Terreur révolutionnaire, l’héroïsme…

Deux jours plus tard, au Puy du Fou, c’est l’assemblée générale annuelle, devant 4 000 Puyfolais. Il y a forcément un stress : l’accueil du film par les premiers concernés importe plus que tout. Le générique défile dans un silence religieux, puis les applaudissements ne cessent plus : les héritiers font un triomphe à cette équipe de professionnels venue les aider à parfaire leur hommage. Vincent Mottez est soulagé : « C’était vraiment important pour moi de ne pas trahir la mémoire des morts, et de ne pas décevoir les vivants qui la protègent depuis quarante-cinq ans. » Yannick de Charette, président du Cercle qui réunit la famille autour de son histoire, ne cache pas sa joie : « Nous connaissons cette histoire par la transmission orale de nos grands-parents et parents… mais Charette n’est pas seulement un membre de la famille, c’est un personnage de l’histoire de France ! »

Il y a dans ce film l’histoire des Vendéens massacrés, de la Terreur révolutionnaire et du dépassement héroïque de Charette ; Vaincre ou Mourir raconte l’histoire de ces Français attachés à leurs “bons prêtres” et refusant la conscription qui leur promettait d’aller mourir à l’autre bout du pays. Vincent Mottez sait que le sujet risque de heurter : « Cette histoire met mal à l’aise parce que la République est notre régime actuel et que ces massacres ne sont pas glorieux. Mais il y a prescription, il est temps de réconcilier ces mémoires, et cela ne peut arriver sans la vérité. » Le film est donc fidèle à l’histoire : Charette a aussi des défauts, le général républicain des qualités propres indiscutables. Les deux hommes finissent par se ressembler et se respecter. Chez les Puyfolais, Hugo Becker a d’ailleurs décelé de la gratitude mais aucune aigreur : « Ce film soulage les souffrances ignorées de toute une population, ça leur fait du bien, c’est un apaisement réel. »

C’est peut-être ici que notre histoire commence.

Le film mérite d’être une réussite. L’histoire mérite d’être connue, l’engagement plébiscité. D’autant que les films historiques et épiques sont une spécialité anglo-saxonne que la France a délaissée malgré son incroyable histoire : un succès pourrait en annoncer d’autres. Nicolas de Villiers, Guillaume Allaire et leurs équipes fourmillent déjà d’idées qu’ils tiennent secrètes. En attendant, l’équipe retient son souffle : plusieurs embuscades ont été gagnées, reste la grande bataille de la sortie nationale. Depuis sa cache vendéenne, l’un des plus grands amoureux de Charette savoure lui aussi la victoire : « C’est la première fois depuis la Révolution française et depuis la naissance du cinéma que sort un film de cette ampleur sur un héros de la guerre de Vendée. Nicolas a fait un grand film qui restera », s’enchante Philippe de Villiers.

À la veille de Pâques, en mars 1796, Charette a presque 33 ans lorsqu’il meurt fusillé en se demandant : « Que restera-t-il de nous ? » À l’écran, on ne le voit pas tomber sous les balles, sa mort ne se lit que dans les yeux de sa sœur. Sans doute parce que Vaincre ou Mourir veut lui donner raison près de deux cent trente ans plus tard : « C’est peut-être ici que notre histoire commence. »

 
“Vaincre ou mourir” au cinéma : Charette, le Braveheart français

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